Une petite chasse[PV Sca'Lai]

Ai rêvé à elle la nuit dernière. Secousses qui me font trembler. Tremble comme une petite feuille fragile agitée par les vents. A dit des choses. Terribles choses…Graves choses. Hoche la tête avec frénésie, murmure des paroles inaudibles, ignore les individus autour de moi qui m’observent. Sourcils froncés, mine pensive, yeux plissés. Mains sur les lances, les poignards, les arcs. Armés, tout autour de moi. Positionnés près de moi, immobiles et silencieux. Elle aussi. Ai rêvé à elle la nuit dernière. Me suis réveillé en sursaut, perlant de sueur, dévisageant avec frayeur la femme blottie dans mes bras.

Ai poussé un hurlement plaintif. Ai réveillé tout le camp. Ils sont devenus de monstrueuses bêtes agressives, à la recherche d’un prétendu ennemi infiltré dans le campement. Seulement Sca’Lai qui dormit contre moi. M’a froidement regardé et a rétorqué quand lui ai avoué l’avoir trouvée pressée contre mon torse. Malgré mes explications, rien entendu. Rien voulu entendre. Ai sorti pour aviser les autres que tout allait bien. Que je m’étais énervé pour rien. Ai grogné et fait courir Sca’Lai autour du campement jusqu’à l’aube. L’ai surveillée et admonestée. N’a toujours pas compris qu’il ne faut pas jouer mon rôle.

Ai rêvé à elle durant la nuit. Était sur une dune de sable, accroupie, tenant ses lances dans ses mains. M’a regardé approché. Mon cœur affolé a fait des bonds dans ma poitrine. Ma main dessus l’empêchait de surgir de sous ma peau. Je déglutissais. Avais soudainement la bouche pâteuse, les mains moites et les jambes faibles. Ma tête tournait. Paysage tanguait sous mes pieds. Avais la nausée. Me retenais de vomir sur le sable. Dans mes mains, avais un bijou scintillant enveloppé d’une étoffe noire. Le pressais entre mes doigts. Il y avait des gens aux alentours. Trop loin pour entendre nos paroles, trop près pour voir. Étais belle. Svelte et musclée. Presque nue. Déglutis. M’accroupis près d’elle. Bafouille, souris bêtement, deviens livide sous ses coups d’œil ennuyés. Me fige de terreur quand elle examine le bijou. Hausse les épaules, avec dédain. Refuse. Refuse. Refuse. S’éclate à gorge déployée. Trouve la situation amusante. Se moque de mes espoirs.

Puis le décor change, chambre intime. Douce odeur d’encens. Silhouette dans le lit. Silhouette sensuelle avec une voix languissante. M’invite à m’avancer. À venir couvrir la silhouette. Intrigué, avance vers le lit. Découvre Sca’Lai nue qui s’humecte les lèvres langoureusement. Ses mains se caressent. Joues en feu, je l’observe. Vêtement tendu en bas. Elle se lève, s’approche, frôle mes lèvres de sa langue taquine. Frisson. Me souffle à l’oreille qu’elle me désire depuis trop longtemps. Collier est à son cou sublime.

Me réveille en hurlant. La repousse. M’éloigne d’elle. L’idée de la tuer. Me sauver d’elle. Pourquoi est-elle contre moi ? Question qui tourne en boucle dans ma tête. Sca’Lai veut s’approcher…l’interdis avec une main. Halète. Terrorisé. Veux disparaître. M’enfuir. Sca’Lai ne pas comprendre. Sca’Lai se moquer encore. Me questionne et me sermonne presque de l’avoir réveillée. Puis, elle m’entoure de ses bras, un sourire méchant sur les lèvres. La repousse avec terreur. M’étale de tout mon long, reste figé, vais aussitôt me tapir dans un coin de la hutte. En sécurité. Loin d’elle.

Au matin, l’amène, elle et d’autres membres, à se joindre à moi pour la chasse. Faut manger. Le désert se profile jusqu’à l’horizon. Découvrir nourriture. Les cinq hommes et trois femmes se dispersent. Sca’Lai les suit du regard, envieuse. Nous poursuivons notre route. Elle, agissait bizarrement. Moi, me recroquevillant et me déplaçant comme une bête timide. Renifle l’air souvent.

-Sens quelque chose vers le nord.

Sca’Lai fronce les sourcils, soupire.

-Pourquoi ne m’as-tu pas laissée au camp ?

-Toi rester avec moi tout le temps.

Elle trop dangereuse. Jamais la laisser seule. Trop dangereuse. Beaucoup trop.

Maintenant que la femelle avait découvert l'effet qu'elle produisait sur son chef depuis qu'il avait vu le collier à son cou, elle trouvait mille et une manières non offensives de le rendre dingue. Pas le droit de l'attaquer ? De l'insulter ? Aucun problème. Il était d'autant plus terrorisé quand elle se montrait douce avec lui, ou alors lorsqu'elle se soumettait parfaitement. Il en était contrarié, ou alors cela le troublait, et elle y prenait un malin plaisir, à le voir fuir son regard. Et puis elle pouvait bien agir comme cela, elle ne craignait pas un seul instant qu'il ne réitère sa demande en mariage : il avait voulu lui arracher le collier quand il l'avait vu. Il l'avait même rouée de coups. Elle ne craignait donc pas qu'il dénonce sa conduite ou que le reste du clan n'en soit témoin et ne les force à s'unir. Ce serait bien le comble, songea-t-elle, pensive, alors qu'elle maudissait une fois de plus M'yuan d'avoir mis en place des règles semblables. Ne pas s'éloigner … c'était lui qui se punissait, en agissant ainsi. Il aurait du … l'Exiler ! Voilà ! L'obliger à quitter le clan. Mais il ne l'avait pas fait : voilà qui était embêtant. Elle aurait cru que c'était ce qu'il préfèrerait. Pourquoi donc avait-il choisi cela ? Il se mettait dans l'embarras en la gardant à ses côtés. Il l'avait bien constaté, cette nuit, alors qu'elle s'était glissée près de lui sur sa paillasse pendant son sommeil. Elle l'avait enlacé, s'était pressée contre lui, tout cela pour le faire réagir, pour qu'il s'éveille et panique. Elle en aurait rit de plaisir s'il n'avait pas fallu qu'ils se lèvent et sortent avec le reste des gens. Et de plus, elle ne voulait pas qu'il croit qu'elle ne faisait que se moquer de lui. Qu'il panique, cet abruti, qu'il croit qu'elle allait lui tresser une couronne de fleurs !

-Je ne comprends pas, dit-elle, baissant le volume de ses gargouillements et faisant des gestes plus discrets.

Le mâle tourna les yeux vers elle, attentif, fit un petit bond vers l'arrière, dans la direction opposée à Sca'lai. Agacée, elle roula des yeux et ramena enfin son regard sur lui. Il faisait toujours la même chose. Ce couard ne changerait jamais. Jamais.

-Pourquoi me garder avec toi ? Je ne suis pas utile ici si je ne peux pas chasser et …

Elle se tut, son regard s'agrandit alors qu'elle regardait derrière l'épaule de son chef. Elle le poussa de côté et s'avança. Devant ses yeux, un chat à grandes dents et rayures venait d'être abattu. Elle sentit, malgré elle, son regard s'embuer. Puis elle se tourna vers M'yuan, qui semblait être furieux qu'elle l'ait bousculé ainsi. Elle entendait l'animal feuler. Elle ne voulait pas voir la seconde lance qui le transpercerait pour aller l'achever. Celui là, elle le connaissait. C'était une femelle à qui elle avait donné le nom de Danzu, avec qui elle avait souvent chassé. Elle lui demanda une explication. Ils étaient là pour chasser. Et on ne mangeait pas les chats à grandes dents et rayures !

-Les tigres rôdent autour du campement.

-Mais ils ne blessent personne !

-Ça viendra, dit M'yuan avec froideur.

Sca'lai savait que non. Elle savait que les chats à grandes dents et rayures rôdaient pour elle, parce qu'ils s'ennuyaient de leur sœur, de leur amie, de leur compagne de course et de jeux. Et de chasse aussi. Ils savaient qu'elle était dans le clan et hésitaient à s'approcher davantage de ces êtres sur deux pattes tenant des lances. Elle les comprenait. Elle se tut. M'yuan ne voudrait rien entendre. Aussi elle tourna les talons et courut. Elle bouscula quelques-uns des hommes qui entouraient l'animal agonisant, toujours couché sur le sol, une lance en travers de la poitrine. On tenta de la tirer en arrière, mais elle se laissa tomber sur la bête blessée, serrant sa fourrure entre ses doigts. Et elle pleura, agenouillée dans le sable, la tête enfouie dans le manteau duveteux de la femelle blessée. Plus jamais elle ne laisserait les Mizar Kappa chasser sa deuxième famille. Dusse-t-elle se battre contre chacun d'entre eux, même n'en ayant pas le droit. Elle était enragée, et secouée par la douleur.

listening to Maroon 5 - She will be Loved