Rencontre au clair de lune...

Voyant que la nuit était tombée et que la plupart de ces frères et soeurs d'armes couchées ou en train de fêter, il s'éclipsa lentement de sa couchette et disparut à l'extérieur. En faisant le moins de bruit possible, avec vitesse et retenue, il passa le garde sans résistance qui roupillait comme un bébé depuis un long moment à voir la position qu'il était, accoté contre le mur. Il aurait pu le remettre à l'ordre d'une petite tape derrière la tête, mais il ne sortait pas pour ça. Il ne voulait pas que personne ne sache, ce qu'il allait faire à l'extérieur, alors valait mieux être discret. Il s'éloigna, dans le rideau noir éclairé par la lumière de la lune, et arrivé à un gros rocher, une bonne centaine de mètres plus loin, où il venait souvent, il reprit son souffle et se transforma en demi-alien et demi-humain.

Un bon entrainement, voilà la raison de sa discrétion. Il ne voulait que personne ne voit cette apparence unique en son genre. Sa chaine traînant au sol et une fois le souffle reprit, car courir, sous forme humaine une centaine mètres, était légèrement fatiguant, il se concentra et elle se leva lentement pour venir à son visage. On aurait dit que la pointe le regardait telle un serpent attendant que sa proie bouge pour venir le mordre. Il fit un mouvement de tête et la chaine fit de même dans la même direction que lui. Il avait, un parfais contrôle. Il fit un mouvement de bras et sa queue vint fracasser le gros rocher qui craqua légèrement. La queue était solide, mais la force de frappe qu'il utilisait n'était pas encore bonne. Comme il était vrai qu'il possédait cette transformation depuis longtemps, mais s'entraîner sous cette forme avait été très rare. Il pouvait que très rarement avoir un moment où il n'était pas avec sa famille d'arme. D'ailleurs aujourd'hui était une bonne journée ou plutôt soirée, puisqu'il avait la lumière de la pleine lune qui l'éclairait. Il fit un autre mouvement du bras gauche et fit tournoyer la chaine au-dessus de sa tête à une vitesse qu'un oeil aurait du mal à suivre. Au dernier moment, il fit plonger sa queue telle une lance et elle transperça le rocher comme du beurre laissant un trou dans le rocher. Il avait enfin réussit. Il fit un sourire en coin et fit revenir sa chaine à lui. Une queue si belle accrochée à son bras, qui le crut. Il n'avait pas brisé le rocher puisqu'il était beaucoup trop gros, mais il avait fait un gros trou et c'était en plein ce qu'il voulait, sa queue était tranchante. La vielle, il avait utilisé la même technique, mais sans succès. Alors, pour donner plus de force, il avait commencé à soulever des gros rochers avec sa queue qui augmenta bien vite sa force.

Il fit un sourire en coin satisfait, quand soudain, il entendit un bruit sur sa droite, il se retourna rapidement amenant sa chaine avec lui et pointa dans la direction de l'ombre.

-Halte! QUI EST LÀ!?!?!Dit-il sur un ton froid.

Le vent froid de la nuit soufflait sur les dunes de Saratium, ayant eu pour effet de glacer les os de quiconque était habituée à une température ambiante plus élevée. Ce n'était pas le cas de la créature qui avançait dans le désert à pas feutrés, enfonçant ses pieds griffus dans le sable frais. Les écailles dures protégeaient la chose du froid, la mettaient à l'abri de sa morsure dangereuse. Aucun bruit sinon le souffle de la forte brise et la respiration de la Mizar Kappa ne se faisaient entendre. Rien d'autre que ce silence presque parfait. Si l'alien retenait son souffle en même temps que celui du vent, le bourdonnement de silence aurait alors empli l'espace.

Sca'lai releva la tête, ainsi que l'ensemble de son corps. Ainsi dressée, elle mesurait plus de trois mètres, près de cinq si l'on ajoutait la queue qui battait l'air paisiblement alors qu'elle ne sentait aucune menace sur elle. Les chats n'étaient pas là. M'yuan ne les aimait pas et les chassait. Ce faisant, il obligeait les animaux préférés de la jeune Mizar Kappa à se réfugier à des lieues de distance de la forteresse. Ce n'était pas un problème. Ces lieues, elle était capable de les parcourir très rapidement avec sa vitesse impressionnante. Seulement, ce soir, elle ne les trouvait pas. Ils n'étaient en vue nulle part. Elle savait qu'ils étaient passés ici peu de temps avant, mais pas dans la direction qu'ils empruntaient habituellement, et à une vitesse qu'ils n'employaient que pour chasser ou pour fuir un ennemi – ennemis, elle le savait, ne pouvant être autre chose qu'un de ses semblables à elle. Elle optait pour la deuxième option, puisqu'elle n'avait relevé nulle part la trace d'un autre animal.

-Pas de proie, siffla-t-elle entre ses dents.

Sous cette forme, sa voix ressemblait à un gargouillement rauque incompréhensible, mais quelqu'un de son espèce aurait compris tout de suite. Lentement, avec réticence, elle abandonna sa forme alien pour reprendre son allure plus humaine, bien que le mot "humain" ne signifiait plus grand-chose pour ceux de sa race et qu'elle en ait oublié complètement le sens. Cela évoquait seulement ces structures étranges qui dormaient sur Zoflie et qui parfois criaient. Elle frémit à cette pensée. Jeune, elle avait eu le défi de pénétrer l'une des structures. Ce qu'elle y avait vu là ne lui avait pas fait peur, seulement, elle avait été impressionnée de bien étrange manière. Rien de ce qui s'y trouvait ne lui était familier. Des sortes de cylindres métalliques – bien que d'aucun métal qu'elle pouvait identifier – des espèces de boutons sur lesquels elle avait osé appuyer puisqu'ils semblaient sortir de la surface lisse d'une sorte de … de table. La structure s'était mise à trembler en émettant de drôles de sons, et elle avait aussitôt pris la fuite. Ce n'était pas de la peur…

-Ce n'était pas de la peur, dit-elle à voix haute.

Sous sa nouvelle forme, elle reprit sa marche, remontant la piste de ses chats-à-grandes-dents-et-rayures, s'attendant à tout instant à tomber sur cet ennemi mystérieux. Peut-être ne les avait-il pas attaqués. Seulement, depuis la grande chasse que M'yuan leur avait donné, ils fuyaient – et avec raison – devant n'importe quoi sauf elle, puisqu'ils étaient accoutumés à sa présence, à son odeur et à sa voix. Elle aimait ces animaux autant qu'eux-mêmes semblaient se complaire en sa présence. L'un d'eux avait essayé de la monter une fois, elle l'avait gentiment laissé faire, curieuse de ce rituel qui ressemblait fortement à l'union physique d'un mâle et d'une femelle Mizar Kappa, grimpant sur son dos et feulant et essayant de planter ses griffes dans son dos et en mordant doucement sa nuque. Elle y aurait laissé sa peau si elle n'avait pas été couverte d'écailles.

-Halte! QUI EST LÀ!?!?! hurla une voix dans la nuit.

L'altercation avait été faite avec la gorge, puisque ne voyant pas son interlocuteur, le mâle ne pouvait pas y joindre le langage gestuel. Plissant les yeux pour avoir une vision plus nette, elle vit quelque chose se mouvoir dans la noirceur, au loin, devant elle. C'était de cet emplacement qu'avaient fui les chats. Vêtue seulement de sa shoufa enroullée autour de son cou – le seul vêtement capable de résister à ses transformations – elle s'approcha à pas lents, une main sur le tissu, prête à s'en voiler le visage si le besoin de tuer se faisait sentir. Elle reconnut qu'il s'agissait d'un homme du Thac, bien que son corps semblait différent. Elle reconnut Al'cair. D'un geste plus que familier, elle se voila le visage. Elle n'avait pas l'intention de tuer, seulement elle agissait toujours ainsi en présence des hommes de M'yuan, surtout en présence de M'yuan lui-même. Elle s'assura d'un rapide geste de la main que son collier d'argent était toujours caché par le tissu sombre, et esquissa un sourire camouflé en approchant à une dizaine de pas du mâle Al'Cair. En voyant ce qu'il pointait sur elle toutefois, elle cru qu'elle avait eu raison de se voiler le visage. Peut-être l'attaquerait-il… Elle n'en avait pas particulièrement envie. Al'Cair était un adversaire redoutable. Elle l'avait déjà vu à l'œuvre avec certains mâles. Elle jugea toutefois plus sage de calmer le jeu et d'abaisser son voile. Il pourrait y voir une menace.

-C'est quoi cette chose ? demanda-t-elle en alliant langue et mains pour s'exprimer à lui, une nuance de moquerie dans l'ensemble de l'expression.

Le contraste était intéressant. Des borborygmes hideux dans le son et des gestes gracieux et fluides dans ses mouvements, belle et fière malgré sa nudité. Et elle ne témoignait d'aucune forme de peur, malgré qu'elle n'avait avec elle aucune autre arme que son corps agile.

En voyant la silhouette féminine de sa soeur d'arme du clan Thac, Sca'lai, se découper au loin dans cette noirceur légèrement éclairer par la pleine lune et s'avancer dans sa direction d'un pas lent, il lui jeta un regard à la fois surpris et noir, son âme venait d'être piqué d'une colère noire contre lui-même parce qu'il n'avait pas pris plus de précaution pour cacher cette forme unique en son genre. Il abaissa finalement sa main qui tenait son foulard et sa queue argente lentement qui était en phase pour tuer Sca'lai. Une femme réputer qui détenait un fort caractère et une force qui intimidait -et oui- M'yuan le chef des Thacs. Toutefois, cette femme connue chez les Mizar Kippa, n'intimidait aucunement Al'Cair qui en ce moment même lui jetait un regard fâcheux. Un regard qui était mauvais parce qu'il venait d'être découvert sous cette apparence qu'il avait si longtemps caché aux yeux de tous. Une apparence mi-humaine et mi-alien qui s'était formé suite à une morsure de scorpion lors d'une fâcheuse situation où il en était sorti indemne psychologiquement, mais physiquement, c'était une autre histoire, mais qui possédait autant davantage que d'inconvénient.

-C'est quoi cette chose ? Lui demanda-t-elle en faisant aller ses mains ici et là avec une certaine teinte de moquerie qu'Al'Cair se retint de faire avaler.

Lui qui était réputer pour son caractère patient et calme le montra à cette dernière qui elle était d'une nature complètement différente, avant de répondre à sa question qui fit froncer ces sourcils. C'était une femme assoiffée de sang contrairement à lui qui savait calmer ses envies de tuer tout ce qui bouge autour. Malgré que certaines rumeurs de personne à langue pendu disaient qu'elle s'amusait physiquement avec les fauves du coin, au moins elle savait légèrement calmer ses envies. Il fit mine de ne pas voir son geste et repris rapidement sa forme humaine, cacher que par un bout tissu en bas de la ceinture et qui laissa voir le reste, sous les yeux de Sca'lai . De toute façon le manque pudeur ne gênait aucunement les Mizar Kappa.

-Ça ne te regarde pas Sac'lai, dit-il d'une voix sèche. Et tâche d'oublier ça pour ne pas avoir des ennuies avec moi, ajouta-t-il avec une voix provocatrice et en la pointant du doigts.

Il la regarda fixement pour finalement soupirer et calmer son corps qui était prêt à bondir tellement qu'il était furieux qu'une personne, surtout Sca'lai, est découvert cette forme. Il croisa ses bras sur son torse musclé et nue et continua de la regarder avec un regard orageux qui exprimait son mécontentement.

-J'y pense, tu ne devrais pas être à la grotte comme tout le monde ? Dit-il pour changer de sujet et pour se soulager un peu, dommage qu'il devait se soulager sur elle. À non, c'est vrai j'oubliais... tu devais sûrement t'amuser avec des amis félins... tu sais, il a des hommes quand on est en manque... dit-il avec un petit sourire malicieux et avec une voix assez moqueuse et plutôt provocatrice.

Il ne cherchait pas la bagarre, mais son côté Mizar Kappa impatient venait de prendre le dessus et c'était plus fort que lui de ne pas faire cette remarque qui insultait sa soeur d'arme.

Le corps d'Al'Cair se modifia devant les yeux de Scal'ai, laissant passer un regard jaune éclatant vers un regard plus clair et plus banal, d'une bleu pâle et plus agréable à regarder. Les yeux jaunes faisaient penser aux espèces de charognards qui rôdaient quand une quelconque créature chassait. Sca'lai en avait déjà affronté plusieurs qui voulaient s'approprier ses proies. Elle n'avait jamais connu de moins honorifique que de courir derrière de la nourriture déjà morte, tuée par quelque chose d'autre. Jamais elle-même n'oserait une telle chose. Jamais elle ne cracherait sur son honneur au point de manger sans avoir eu le mérite de tuer de ses propres mains. Elle n'éprouvait que du mépris pour ses animaux semblables à des chiens qui semblaient rire dans la nuit.

-Ça ne te regarde pas Sca'lai, laissa-t-il entendre d'une voix sèche. Et tâche d'oublier ça pour ne pas avoir des ennuies avec moi.

Le visage de la Mizar Kappa ne laissa pas passer plus d'émotions que l'aurait fait un rocher. L'expression "rester de marbre" aurait pu prendre tout son sens à ce moment là. C'est à peine si l'un des plis de sa bouche s'était retroussé avec mépris. Il lui faisait des menaces, du moins essayait-il de l'impressionner. Les doigts de Sca'lai pianotaient sur sa shoufa sombre, comme si d'un moment à l'autre elle pouvait décider de s'en voiler la face et de lui sauter à la gorge, toutes griffes dehors.

-Ne joue pas au plus fin avec moi, Al'Cair ! Et je te déconseille de me menacer. Toi et moi savons à qui nous avons affaire, pourquoi chercher les ennuis ?

Elle haussa les épaules. Toutefois, Sca'lai avait la curiosité maladive d'un Ollalh et la mémoire phénoménale d'une Ammmot. Il pouvait toujours bien s'enfoncer un caillou dans chaque oreille s'il croyait qu'elle allait s'enlever cette image de la tête et abandonner ses questions. Peut-être que pour le moment elle se tairait. Peut-être que pour le moment elle le laisserait s'imaginer qu'elle lui obéirait. Mais un jour elle reviendrait à l'assaut et lui demanderait à nouveau ce qu'était cette chose pendouillant à son bras qu'il avait pointé sur elle comme une arme. Car ce dont elle ne doutait pas, c'était qu'il s'agissait bien d'une arme.

-J'y pense, tu ne devrais pas être à la grotte comme tout le monde ? À non, c'est vrai j'oubliais... tu devais sûrement t'amuser avec des amis félins... tu sais, il y a des hommes quand on est en manque...

Le corps de Sca'lai se raidit pendant une seconde, et un semblant d'émotion – de la frustration pure – parut luire au fond de son regard gris lumineux. Sans même qu'elle ait à y penser, son corps s'allongea subitement, la faisant doubler de taille, et sa peau se couvrit d'une matière sombre. La tout ne dura qu'une seconde, car un instant plus tard et elle se trouvait à nouveau aussi nue qu'au jour de sa naissance, le regard calme et impassible.

-Sache, Al'Cair, que tes deux années de plus que moi ne te permettent pas de porter un jugement sur ma personne. – sa voix était calme, mais tout aussi tranchante que la lame de sa lance, et ses gestes étaient toujours aussi fluides – Et pour ton information, je te dirais que le chat – ce n'est arrivé qu'une fois – s'est montré bien meilleur amant que tous les mâles de ma connaissance !

Le regard froid et hautain, elle s'avança un peu plus vers lui, ses bras se balançant mollement le long de son corps, ses seins en partie camouflés par la multitude de ses nattes sombres.

-Sans doute bien meilleur que tous ceux que je connaîtrai jusqu'à ma mort, termina-t-elle en toisant le mâle de haut en bas, un sourire moqueur sur ses lèvres minces.

Son regard se porta finalement sur le disque blanc qui procurait un faible éclairage dans ce vide sablonneux. M'yuan avait déclaré que ça s'appelait une lune, mais la parole de M'yuan ne signifiait pas plus que celle d'un enfant à ses yeux. Les mâles avaient cette manie de se croire plus brillants que les autres, alors qu'en réalité… ils étaient bien moins que ce qu'ils affirmaient. Un tas de muscles monté sur ressort. C'était ce que disait sa mère avant de s'être retrouvée mariée à cet abruti sans cervelle plus habile avec sa langue qu'avec sa lance.

-Je ne suis pas à la grotte car je suis certaine que M'yuan ne voit pas d'inconvénient à ce que je m'éloigne de lui le plus possible pendant son sommeil et parce que je préfère dormir nue dans le sable et le froid qu'à l'abri derrière ces murs qui ne nous appartiennent pas. –elle ne savait pas à qui ils avaient appartenus avant, mais elle trouvait que c'était un manquement à l'honneur que de s'être approprié cet endroit sur la planète prise par les Far Dareis Mai, la seule patrie qu'elle se connaissait vraiment – Et toi ? Tu n'es pas en train de dormir avec les autres ? Est-ce en lien avec cette chose ?

Elle pointa le regard vers le bras redevenu normal d'Al'Cair. Elle s'était retenue de préciser qu'il avait tout intérêt à répondre sur son honneur. Elle savait qu'un mâle se vexait très facilement quand la question d'honneur était en jeu, elle le savait car elle-même avait un petit quelque chose de masculin en elle, qui touchait justement à son honneur.

-Ne joue pas au plus fin avec moi, Al'Cair ! Et je te déconseille de me menacer. Toi et moi savons à qui nous avons affaire, pourquoi chercher les ennuis ?

Elle marquait un point, mais cette transformation était trop importante pour qu'une personne le sache. Il était vrai qu'il ne voulait aucunement se battre avec Sca'lai qui était réputé pour avoir une grande force et vitesse au combat. Et de qui on avait appris à se méfier lors d'un combat corps à corps, mais pour cacher cette forme, il était prêt à mettre son voile et tuer sans pitié cette femme, la découpant en morceau comme il ferait avec une proie et en répandant sa chair et son sang à des kilomètres pour que tout le monde sait qu'il a tué une soeur d'armes importante pour certaines personnes, exemple M'yuan. Malgré que M'yuan la détestait, Al'Cair savait très bien qu'il ait une certaine connexion entre eux deux, sinon elle serait morte depuis longtemps. Une femme, aussi effronté qui lui faisait des menaces et le prenait pour un pur idiot, méritait bien une correction, mais ce n'était pas le moment. M'yuan était patient, il ferait de même pour aujourd'hui.

-Je me fiche royalement de tes conseils Sca'lai, dit-il sur un ton sec et tout aussi tranchant que cette dernière, ce que je veux, c'est que t'oublie ça. Il me semble que c'est assez évident, non?

Il continua de la fixer de ses yeux bleus pâle avec le même masque de colère qui s'était incruster dans son visage au début de sa rencontre. Un masque qu'il affichait rarement dans la vie de tous les jours puisqu'il était toujours dans son coin avec un regard neutre. Il était et resterait un être solitaire qui ne prend pas souvent partie aux blagues et au rassemblement de ses frères. Quand soudainement, il vit la peau de Sca'lai se noircir devant lui et son corps devenir deux fois plus grand. Alors, son geste premier fut de glisser sa main droite à son foulard, mais ce ne dura qu'une seconde et le temps que sa main touche son tissu, elle était redevenue humaine. Lui qui allait se transformer à son tour se retint avec fermeté

-Sache, Al'Cair, que tes deux années de plus que moi ne te permettent pas de porter un jugement sur ma personne et pour ton information, je te dirais que le chat - ce n'est arrivé qu'une fois - s'est montré bien meilleur amant que tous les mâles de ma connaissance ! Lui dit-elle de sa voix autant calme que tranchante et en faisant des mouvements toujours aussi instables. Sans doute bien meilleur que tous ceux que je connaîtrai jusqu'à ma mort, ajouta-elle ensuite.

Malgré la réplique qu'il l'insultait en partie, il ne perdit pas son sourire moqueur. Il était vrai qu'il était son aîné et qu'il n'avait aucun droit de l'insulté de la sorte, mais il était un Mizar Kappa. Un Mizar Kappa qui, à la perte de sa patience, devenait un être ingrat, grossier et violent comme tous ces frères. Il était vrai qu'il n'avait pas encore utilisé la violence, mais vue la tournure des évènements et la tension étouffante dans cet air qui était fraiche un peu plutôt, le sang pourrait peut-être couler ce soir, sauf peut-être si elle gardait son petit sourire moqueur.

-Tu insinue quoi Sca'lai, dit en marchant autour d'elle et en la regardant de la tête aux pieds, que tu serais une libertine insatisfaite ? Venant de toi ça ne me surprends pas d'ailleurs puisque tu as refusé à mainte reprise la main d'homme qui t'aurait peut-être donné satisfaction et aussi parce que tu es une femme qui en demande toujours plus. Il stoppa ça marche derrière elle et vint lui chuchoté à l'oreille. Serais-tu tombé amoureux d'une bête que l'on mange pour dîner et qui t'aurait donné satisfaction ? Je m'attendais à mieux de ta part, dit-il en se remettant devant elle et en penchant légèrement la tête pour la regarder avec son petit sourire espiègle.

Il la sentait respirer, il aurait presque pu la toucher en levant leu bout des doigts allant la caresser où bon lui semble à cette distance. D'ailleurs, il se serait pa gêner pour le faire, mais ce n'était pas le moment.

-Je ne suis pas à la grotte, car je suis certaine que M'yuan ne voit pas d'inconvénient à ce que je m'éloigne de lui le plus possible pendant son sommeil et parce que je préfère dormir nue dans le sable et le froid qu'à l'abri derrière ces murs qui ne nous appartiennent pas. Et toi ? Tu n'es pas en train de dormir avec les autres ? Est-ce en lien avec cette chose ?

Au début, il ne fit rien buvant ses paroles comme une personne qui prenait son temps pour boire un bon verre d'alcool fort. Mais au moment, où elle finissait sa phrase, son visage qui était devenue neutre, avant la fin de la phrase de cette dernière, devint froid et ses yeux devinrent jaunes quelques millièmes de secondes. Il se mordit la lèvre inférieur jusqu'à ce qu'une petite goutte de sang vint se tomber sur un bras qui était toujours croisé sur son torse. Il arrêta de se mordre et la fixa de ses yeux bleus aussi froid qu'un hiver allant jusqu'à plusieurs chiffres en bas de zéro.

-Tu ne lâche pas Sca'lai, dit-il en faisant non de la tête, toujours autant têtu. Je vais faire comme si je n'avais rien entendu, en laissant tomber ses bras le long de son corps.

Il tourna les talons et commença à marcher direction, la grotte des Thacs.

Sca’lai observa un silence obstiné, car non il ne s’agissait pas le moins du monde d’un silence poli, pour ne pas dire que cette notion lui était totalement inconnue, sinon même abjecte. Pourquoi agir comme si notre salive était faite de miel alors qu’elle était fourchue et savait démolir aussi bien qu’un coup de sa longue queue ? Toutefois, elle ne dit rien durant le temps que durèrent les invectives d’Al’Cair. Elle savait ce qu’elle voulait, et ce qu’elle voulait, elle ne l’obtiendrait pas en lui tapant sur la tête avec un bâton, quand bien même elle le ferait pendant des heures et des heures. Pas avec quelqu’un qui avait la tête dure comme le roc, pas quand le roc était presque aussi dur que sa tête à elle. Car cela, elle l’avait bien dure, ne lâchant jamais son morceau quand elle savait qu’elle pouvait obtenir satisfaction. Plutôt que d’hurler à la tête du Mizar Kappa de se mêler de ses affaires, elle se contenta de hausser les épaules à quelques reprises, et de pousser des grognement hautains quand elle sentait qu’il était près de dépasser la limite entre « manque de tact » et « mission suicide ».

-Tu ne lâche pas Sca'lai, dit-il en faisant non de la tête, toujours autant têtue. Je vais faire comme si je n'avais rien entendu, en laissant tomber ses bras le long de son corps.

Cette fois par contre, elle sentit à nouveau sa colonne se hérisser contre sa peau. Un moment, elle resta immobile alors qu’il tournait les talons pour marcher en direction de leur place forte. Après un moment à analyser ses paroles, elle poussa un grognement de colère et se lança à sa suite, s’élançant dans un saut digne d’un athlète pour atterrir juste devant lui et lui barrer le chemin. Quelques tresses se balançaient doucement devant ses yeux – les plus courtes – et elle les remit en place en secouant la tête. Mais quand elle revint à l’immobilité, son expression n’avait pas changé d’une miette.

-Comment oses-tu me traiter ainsi ? le somma-t-elle, les yeux injectés de sang. La dernière fois qu’on m’a dit de faire comme si je n’avais rien entendu, j’étais encore dans les jupes de ma mère. Tu crois que je suis le genre de femelle à gentiment prendre son trou à la demande d’un mâle ? Eh bien non Al’Cair !

Elle secoua à nouveau la tête, plus pour marquer son agacement que pour replacer quoi que ce soit dans ses cheveux, ceux-ci étant déjà bien en place derrière sa nuque.

-Tu te demandes pourquoi je n’ai accepté la proposition de personne Al’Cair ? Eh bien tu as la réponse devant toi, cracha-t-elle en montrant le poing. Je consentirai à me marier le jour où cela n’impliquera pas de renoncer à la lance et aux combats. Je suis une…

Le mot Far Dareis Mai lui brûla les lèvres et elle hésita. Son serment passé avec M’yuan… elle devait renoncer à être Vierge de la Lance. Les autres femmes qui avaient rejoint M’yuan s’étaient mariées pour la plupart et avaient rejoint la lance. Quelques autres, qu’il avait su pouvoir manier avec facilité, combattaient toujours. Elle n’était plus officiellement mariée à la lance, mais au fond d’elle-même, elle l’était toujours. Oh et puis zut.

-Je suis une Far Dareis Mai, une vraie ! clama-t-elle en le défiant du regard, et une Far Dareis Mai qui se respecte préfère renoncer à une vie tranquille pour pouvoir continuer à danser avec les lances !

De plus, le mariage impliquait la fin de son libertinage. Sca’lai n’était pas prête à renoncer à cela. Imaginez que son mari soit aussi peu habile qu’un enfant, elle en serait mortifiée, et serait coincée avec celui-ci jusqu’à la fin de sa vie. Mais elle n’allait pas le dire à voix haute, pas devant Al’Cair, qui venait toujours de se moquer de ses habitudes de couche. Quoi qu’il ne devait guère être mieux de son côté.

-Je t’ai posé une question, Al’Cair, et sache que je compte bien obtenir une réponse, que ce soit demain ou le jour d’après, ou l’autre encore… Mais j’aurai cette réponse d’une manière ou d’une autre. Je te conseille de me la donner maintenant, cela t’évitera bien des soucis. Tu n’as qu’à demander aux hommes du clan à quel point je peux être tenace quand je le veux, et que j’obtiens toujours ce que je veux.

Marchant de son pas lent habituel, il fut coupé par une magnifique silhouette qu'il faillit frapper pour la sonner un peu et à la remettre à sa place, mais se calma rapidement. Il écouta la voix de cette dernière qui lui répliquait comme si sa simple parole allait changer quelque chose à la réponse de Al'Cair.

-Comment oses-tu me traiter ainsi ? Le somma-t-elle, les yeux injectés de sang. La dernière fois qu'on m'a dit de faire comme si je n'avais rien entendu, j'étais encore dans les jupes de ma mère. Tu crois que je suis le genre de femelle à gentiment prendre son trou à la demande d'un mâle ? Eh bien non Al'Cair !

Quel enfant obstiné, il n'en revenait toujours pas. Elle ne lâchait pas le morceau avant de l'avoir toute dévoré laissant aucune miette au sol. Incroyable. C'était la première fois qu'il parlait avec Sca'lai de la sorte et il comprenait enfin pourquoi tout le monde trouvait que cette femme était aussi orageuse qu'une tempête et aussi stupide qu'un enfant quand elle n'avait pas ce qu'elle voulait. De ce fait est qu'elle était une vraie gamine. Il était vrai qu'il avait eu quelque conversation amicale avec cette dernière par le passé, mais jamais assez longtemps pour en apprendre plus sur elle. Il afficha un visage neutre et prit le temps de chercher ses mots avant de répliquer à cette dernière.

-Sca'lai, Sca'lai, Sca'lai... Je ne suis pas M'yuan moi...alors ne crois pas me faire peur avec tes balivernes pour enfants et ton petit visage provocateur. Il fallait bien que tu rencontres quelqu'un qui te fasse tête et aujourd'hui c'est moi et j'ai la tête beaucoup plus dur que toi. Alors, tu vas te contenter de ça, dit-il en rapprochant son visage du celui de Sca'lai, et me ficher la paix à ce sujet, il remit sa tête normalement, je ne voudrais pas que nous soyons ennemi que pour ça ma chère...dit-il avec un petit sourire pour terminer.

Quand finalement, il arriva pour continuer sa marche et croyant qu'elle se déplacerait, mais elle ne bougea pas d'un poil continuant de lui barrer la route telle un tronc d'arbre qui venait de prendre racine. Il aurait bien voulu la déplacer, mais il ne devrait sûrement pas, car ça serait un geste déplacé, malgré que ses mains disaient le contraire. D'ailleurs, s'il faisait ça, une bagarre sanglante allait vite prendre forme, la connaissant, elle ne le prendrait pas bien et les griffes sortiraient bien vite.

-Tu te demandes pourquoi je n’ai accepté la proposition de personne Al’Cair ? Eh bien tu as la réponse devant toi, cracha-t-elle en montrant le poing. Je consentirai à me marier le jour où cela n’impliquera pas de renoncer à la lance et aux combats. Je suis une…

Il la regarda surpris, car il savait déjà ce qu'elle allait dire. Elle allait simplement dire qu'elle était une Far DareisMai, mais c'était contre les règles et elle n'avait pas le droit de dire ça. Elle avait fait le serment à M'yuan. Il garda le silence pour voir si elle allait vraiment dire cela et elle le dit. Alors, son regard devint noir et il se retint de ne pas la remettre en place avec une bonne gifle.

-Comment oses-tu dire ça Sca'lai ? Tu n'es plus une Far Dareis Mai, mais bien une Thac.Honte à-toi ! Dit-il d'une voix forte. Je n'en reviens toujours pas que M'yuan garde une femme pourrit comme toi chez les Thacs, si ça ne serait que de moi, tu serais déjà en cendre, ajouta-il avec un regard provocateur.

Il fit un mouvement de non de la tête et continua de la regarder. Aujourd'hui d'un simple échange de parole, il apprenait un peu plus sur cette femme aussi têtu qu'une mule. Une femme qui osait dire qu'elle était Far Dareis Mai, quelle insolente et quelle honte. Il ne croyait jamais rencontrer une femme de la sorte, mais il fallait que ça vienne un jour et c'était enfin arrivé. Cette fichu libertine était de la pire espèce et elle allait le mordre jusqu'aux sangs pour obtenir réponse de lui.

-Je t’ai posé une question, Al’Cair, et sache que je compte bien obtenir une réponse, que ce soit demain ou le jour d’après, ou l’autre encore… Mais j’aurai cette réponse d’une manière ou d’une autre. Je te conseille de me la donner maintenant, cela t’évitera bien des soucis. Tu n’as qu’à demander aux hommes du clan à quel point je peux être tenace quand je le veux, et que j’obtiens toujours ce que je veux.

Il sera les poings et se rapprocha d'elle, là il était assez proche pour lui parler en tête-à-tête. Un vrai tête-à-tête puisque leurs bouts d'orteils se touchaient légèrement. Il avait plus qu'assez de cette femme qui osait lui faire des menaces sournoise. Il avait plus qu'assez de cette femme qui osait se prétendre au-dessus de tout.

-Tu me fais encore des menaces Sca'lai...dit-il d'une voix sèche. Et celle-là je ne la laisse pas passer...

Il ne finit pas sa phrase et sa main se glissait déjà sous la gorge de cette dernière et avec un jeu de jambe, il la fit tomber au sol, pour par la suite, s'assir sur son ventre de la femme sans relâcher la pression sur la gorge de cette dernière. Allait-il la tuer ? Sûrement pas, mais il allait lui faire comprendre qu'on ne provoquait jamais et on ne menaçait jamais Al'Cair de la sorte.

La jeune Mizar Kappa ravala sa salive. Elle savait, avant même qu'Al'Cair ne se mette à la morigéner, qu'elle avait prononcé quelques paroles de trop. Plus que quelques, même… Elle en était certaine. Mais cette femelle n'avait que trop l'habitude de laisser vagabonder ses idées. Quand quelque chose lui trottait dans la tête, elle ne le retenait jamais très longtemps, et le fait qu'elle restait toujours une Far Dareis Mai lui était resté dans le crâne plus qu'assez. Elle n'avait jamais réussi à digérer qu'on la force à renier ce qu'elle était. Elle n'arrivait pas à oublier ce qu'elle avait été, à oublier ses anciennes compagnes, son clan, sa véritable famille. Elle n'arrivait pas à se sentir véritablement elle-même avec ces mâles et ces quelques femelles. Les pillages la rendaient malade, ça et tous ces meurtres inutiles. Car ce n'était plus tuer pour sa race, mais tuer pour tuer. Le trois quart des proies étaient laissées derrière, et cela n'avait rien d'honorable à ses yeux. Elle rêvait souvent, la nuit tombée, qu'elle était à nouveau enfant, quand les Aethan dor commençaient à se faire populaires avec leurs nouvelles philosophies. Elle aurait voulu à nouveau redevenir cette enfant qui n'avait pas d'autre souci que celui de détester le mari de sa mère.

Soutenant le regard d'Al'Cair qui se rapprochait d'elle, elle ne prit pas garde à ses gestes. Elle se concentrait sur ses yeux, sur sa voix et ses paroles. En moins de temps qu'il n'en faut pour émettre une plainte, elle se retrouva coincée au sol, une masse lourde pesant sur son ventre – Al'Cair – et une main étroitement serrée autour de sa gorge. Sca'lai était peut-être très impulsive quand elle pouvait – ou croyait pouvoir – se le permettre, mais elle n'était pas aussi bête qu'un homme. Elle s'était déjà assez souvent retrouvée dans cette situation pour savoir qu'une tentative de tortillage pour se dépendre aboutirait à se retrouver privée d'air. N'importe qui tenant quelqu'un à la gorge ressert sa prise quand la personne se débat. Elle avait appris cela presque avant de savoir marcher. Les mâles étaient comme un arbre solide, et la femelle comme un saule. L'arbre résiste à la tempête mais finit par casser, la femelle se penche mais se relève une fois la tempête passée. Et puis, le fait le plus encourageant était qu'Al'Cair n'avait pas relevé sa shoufa. Il n'avait donc pas l'intention de la tuer dans l'immédiat. Elle n'allait certainement pas lui en donner la raison. Elle connaissait des façons plus honorables de mourir que d'être tuée par un homme seul. S'éclaircissant la gorge – toussotant bruyamment donc – elle se prépara à parler. Immobilisée, elle dut se forcer pour ne pas utiliser le langage des signes, trouver les bons sons pouvant les remplacer.

-Qu'as-tu l'intention de faire Al'Cair ? Un mâle comme toi ne devrait pas s'emporter de la sorte pour si peu. Tu devrais plutôt être flatté que je témoigne autant d'intérêt envers toi…

Elle manqua un peu de souffle et dut s'interrompre dans sa tirade. Le collier d'argent appuyait sur sa gorge, étonnamment frais. Elle fronça les sourcils et regarda Al'Cair d'un air insistant, l'invitant à desserrer un petit peu ses doigts crispés. Car s'il était toujours d'un calme étonnant, ses doigts démontraient clairement qu'il était plus qu'embêté.

-Enfin… L'oiseau ne peut pas apprendre au chat à voler avec les oiseaux, marmonna-t-elle pour elle avec un petit sourire, tout comme une femelle ne peut pas empêcher un mâle d'être un mâle.

Elle redonna un masque de pierre à son visage, une expression dure mais admirablement calme et froide.

-Je suis tout de même surprise que tu n'aies pas plus confiance en moi. Tu sais que mon honneur est plus important que n'importe quoi pour moi. Je n'irai raconter ce que j'ai vu à personne. Je suis seulement… curieuse.

Elle toussa un peu, fronçant à nouveau les sourcils pour lui signaler qu'elle allait éventuellement manquer d'air s'il continuait à serrer comme ça.

Malgré qu'il trouve ses paroles quelque peu absurde, sa main se desserra de la gorge de Sca'lai et il la fixa droit dans les yeux d'un regard toujours aussi froid que séduisant. Et sans toutefois relâcher tout le poids qu'il mettait sur le ventre de la belle depuis un moment déjà, il plaça ses mains de chaque côté de la tête de Sca'lai. Se penchant légèrement sûre elle. Pourquoi ce relâchement de la part de Al'Cair ? C'était simple, elle n'avait tout simplement pas tord sur certains points et il devait en tenir compte. Et de toute façon, il n'avait vraiment pas l'intention de la tuer, bien au contraire, il voulait seulement lui faire comprendre qu'il ne voulait pas aborder le sujet sur sa transformation et qu'il pourrait très bien la tuer si elle poussait trop loin sa curiosité néfaste pour sa petite personne. Mais la connaissant, cette femme tout aussi curieuse que séduisante, jouerait avec ces atouts, tout aussi cruel qu'allumeur, pour le faire tomber à ces pieds. Comme elle faisait avec M'yuan, sauf qu'avec Al'Cair la partie serait beaucoup, beaucoup plus difficile. Sauf que Al'Cair savait qu'il succomberait, car aucun homme qu'il connaisse n'était pas tombé devant Sca'lai et il ne pensait vraiment pas faire exception. Il avait déjà eu des vues sur elle par le passé et il la trouvait toujours aussi séduisante.

Toujours assit sur elle, il pencha la tête pour aller chercher les lèvres, qui était savoureuse d'après certains compagnons, de la femme au sol, mais au moment où le contact allait se faire, il fit un simple mouvement de tête pour venir se glisser à l'oreille droite de l'ancienne Far Dareis Mai et lui chuchoter doucement une réponse à sa question.

-J'ai eu une mutation suite à une morsure de scorpion...contente?

Il se releva lentement à côté d'elle et lui fit dos un court moment. Il venait de succomber, mais pas totalement, car c'était la version courte et simple. Et la version longue, il savait très bien que ce n'était pas seulement la morsure de scorpion qui lui avait donné cette transformation. Il y avait aussi cette grotte particulière, qui en passant, avait disparu. Il avait beau la chercher, elle avait disparu sans laisser de trace, comme si ce n'était qu'un simple mirage qui était apparut pour l'énerver. Mais ça, personne ne le savait à part lui et c'était mieux ainsi. Il se retourna et tendit sa main droite à Sca'lai pour l'aider à se relever. C'était quand même lui qu'il l'avait mis au sol et un peu de courtoisie ne ferait sûrement pas de mal à sa réputation. Toutefois, il se doutait bien qu'elle n'allait pas prendre sa main. Surtout après ce geste déplacé qu'il avait osé lui faire, il méritait bien son refus. Mais ce n'était qu'une hypothèse qui sait ce qu'elle allait lui faire maintenant.

-Sans rancune, j'espère... ? Dit-il avec un faible sourire.

Sans broncher le moins du monde, Sca'lai fixa ses yeux dans ceux d'Al'cair quand ce dernier se pencha au-dessus d'elle. Elle ne voulait pas donner à croire qu'elle croyait savoir ce qu'il allait faire. Elle était assez âgée et expérimentée pour savoir que de tendre les lèvres à un moment pareil ne lui donnerait que l'air ridicule si la trajectoire du visage d'Al'Cair se modifiait tout à coup. Elle se félicita de n'avoir rien fait, car c'est effectivement ce qui arriva. Une partie d'elle-même se maudit de ne pas avoir pu parier là-dessus avec personne; elle aurait gagné. La bouche du mâle s'était en effet écartée de sa bouche à elle pour s'approcher de son oreille, pour laisser aller quelques mots au creux de son oreille. En d'autres circonstances, un chuchotement de ce genre lui aurait procuré de doux frissons tout le long de son échine.

-J'ai eu une mutation suite à une morsure de scorpion...contente?

Elle hocha doucement la tête. Contente n'était peut-être pas le terme exact. Satisfaite aurait eu sa place dans cette interrogation. Mais elle n'allait pas jouer sur les syllabes maintenant. On lui avait déjà dit que quand elle commençait sur cette lancée, elle devenait une insupportable chipie. Elle n'avait pas envie d'en être une à ce moment. Elle avait eu ce qu'elle voulait – du moins une partie – et cela lui suffisait amplement. Elle aurait pu demander tout de suite comment c'était arrivé, comment il avait pu être assez bête et lent pour se faire piquer – les bêtes à crochet ne mordaient pas – par un insecte aussi petit et insignifiant alors qu'il tuait un chat-à-rayures-et-grandes-dents en moins de deux … mais elle se retint. De la part d'Al'cair, cette moitié de réponse représentait déjà beaucoup. Elle regarda la main qu'il lui tendait en tournant un peu la tête vers lui.

-Sans rancune, j'espère... ? Dit-il avec un faible sourire.

D'un habile mouvement du bassins et des jambes, elle se remit debout dans une petite pirouette simple, dédaignant la main tendue. Ce n'était pas par rancune, ni par dédain de la main aidante d'un mâle, ce n'était même pas de la fierté. Seulement elle n'avait pas besoin de cette aide – plus de la politesse qu'autre chose si on pouvait dire – pour se relever. Une fois debout toutefois, elle posa sa main sur la sienne dans ses doigts avant de la relâcher et de réajuster ses cheveux, les envoyant élégamment derrière ses épaules.

-J'ai la tête d'une femelle rancunière ? dit-elle dans un mélange de gargouillis et de claquements de langues contre ses dents, le tout allégé et rendu plus gracieux par les petits mouvements de ses doigts, un sourire innocent étampé sur ses lèvres. C'est tout oublié, frère scorpion. Et ton secret est bien gardé avec moi.

Bien que je ne comprenne pas que tu veuilles garder cela secret, se retint-elle d'ajouter. Elle se connaissait, elle savait que si elle-même avait pu avoir un petit quelque chose de différent des autres, elle se serait empressée d'aller le montrer à qui voulait bien le voir, que ça ait été un bras mutant ou un ongle sur l'œil. Elle glousse en imaginant une rognure d'ongle sur sa pupille, puis ramena sur son visage un air plus neutre.

-Je peux revoir le bras ? demanda-t-elle en s'étirant sur ses pieds et se penchant un peu en avant dans une posture enfantine et intéressée. Il me semblera peut-être moins menaçant si je le vois sans que tu le pointes sur moi comme tout à l'heure.

Elle fit claquer sa langue sur ses dents à la fin de sa phrase tout en relevant son petit doigt pour montrer que le ton de sa remarque était un peu sarcastique. Ce bras ne serait pas différent, seulement, il aurait une allure moins dangereuse. Elle avait aussi voulu lui faire remarquer que de le pointer ainsi sur les gens n'était pas une chose très prudente à faire, ou recommandable. Elle espérait – pas par crainte, mais par esprit de survie – ne plus avoir à regarder cette chose dans une position défensive. Cela lui paraissait dangereux, et Sca'lai tenait à sa peau, elle ne voulait pas la perdre pour bêtise. C'étaient les mâles qui, généralement, mouraient pour s'être montrés stupides.

Une réponse digne de Sca'lai et assez préventive. Mais le commentaire qu'Al'Cair avait dit plutôt était seulement pour mettre des trucs clairs, car si elle avait été rancunière, il savait que la bouche de la femme -qui se tenait en face de lui- parlerait comme jamais et lui apporterait peut-être des problèmes où il pourrait y laisser sa peau. Il finit par faire un sourire en coin au propos de la belle et continua de l'écouter d'une oreille distraite, car il était vraiment dans ces pensées et se fichait pas mal de ce qu'elle disait. D'ailleurs, la pensée qui résonnait fortement dans sa tête, depuis un moment, était bien simple, pouvait-il vraiment lui faire confiance ? Sérieusement, les paroles de Sca'lai étaient une chose, mais la confiance réelle en était une autre. Elle était peut-être en train de manigancer quelque chose et la connaissant, ça le surprendrait même pas. Cette femme était étiquetée de toute par et les étiquettes positives ce compte sur les doigts. Ça le tracassait beaucoup, mais il devait faire avec et de toute façon, il pouvait bien la tuer si elle l'énervait trop ou divulguait son apparence unique à un frère d'armes.

Il tendit son bras en face de lui pour la gouverne de mademoiselle et au moment que son bras fut levé, son corps était déjà transformé en bête avec des piques et une peau devenue noir. Sa longue chaine argent- qui était incrustée dans son bras gauche- était pointé vers la droite pour ne pas offusquer Sca'lai et Al'Cair la fixait de son regard jaunâtre pénétrant tout en la déshabillant du regard. Pendant qu'elle allait admirer sa queue en mode stationnaire, il admirerait le corps féminin qui allait sûrement se mettre en mouvement pour mieux regarder la chaine qui était manipulée par la simple pensée du Mizar Kappa. Pour une fois qu'il la voyait de si près pendant un long moment, pourquoi pas en profiter et se rincer un peu l'oeil ?

-Et voilà... Mais pas trop de questions Sca'lai, dit-il avec un regard fixé sur les hanches de Sca'lai et d'une voix légèrement autoritaire. Je te connais peu, mais je sais que ta langue bouge beaucoup... (Il fit une pause avec un grand sourire moqueur pour finalement reprendre sa phrase incomplète) .. quand t'es intrigué...

Il ne voulait vraiment pas répondre à ces questions, mais si elle en posait, il devrait répondre pour être sûre qu'elle ne l'emmerderait pas plus tard. Malgré qu'il ne savait pas grand-chose sur cette transformation. Une morsure de scorpion, une grotte imaginaire, qui sait ce qui s'était vraiment passé. Toutefois, il n'allait pas lui dire, il inventerait une histoire au fur et à mesure.

Sca'lai savait, elle, qu'elle était digne de confiance. Contrairement à certains membres du Thac, elle n'avait pas rejeté toutes les règles de son ancien peuple. Un manquement à sa parole lui vaudrait une éternelle rancœur et honte envers elle-même, et elle estimait que pour ce genre de manquement, Al'Cair aurait eu le droit de la châtier comme il l'aurait souhaité. Mais Sca'lai avait un sens de l'honneur extrêmement fort. Il lui était totalement impossible de mentir, impossible de trahir. L'espionnage était un pas à côté de l'honneur. Refuser une invitation à entrer chez quelqu'un était terriblement impoli. Cela ne se faisait pas. C'étaient autant de principes dont elle se souvenait et qu'elle avait à cœur de ne pas oublier ou laisser de côté. Elle aurait préféré mourir que de trahir ce qu'elle était. Et puis, le Thac n'obligeait personne à agir contre ses principes personnels. Sca'lai avait fait de ceux de son peuple les siens.

Elle eut un petit sourire satisfait quand elle vit Al'Cair étendre le bras pour qu'il se transforme. Elle eut le réflexe de reculer d'un pas quand il le fit, impressionnée. Loin d'être effrayée, mais à la limite excitée par cette nouveauté et la permission qu'elle avait de l'examiner à sa volonté. Puis, son sourire s'effaça et devint un air un peu plus grave, sérieux, comme si elle s'était confiée une tâche d'une importance capitale qui nécessitait toute sa concentration.

-Et voilà... Mais pas trop de questions Sca'lai, Je te connais peu, mais je sais que ta langue bouge beaucoup... .. quand t'es intrigué.

Elle sourit. Elle ne pouvait qu'approuver ses dires. Elle se connaissait assez bien elle-même pour admettre ce genre de choses sur son comportement. Elle avança la main vers le bras, ouvrant la bouche en même temps.

-Pas de questions, mais je touche, dit-elle seulement à l'aide de gestes, plus pour elle-même.

Ses doigts s'agitèrent juste avant de se poser avec une étonnante délicatesse sur la peau sombre et rugueuse du mâle. Étonnante de la part d'une guerrière aussi farouche. Elle tourna un moment autour de lui, consciente du regard qui pesait sur son corps, impassible. Cela ne lui faisait ni chaud ni froid. C'est à peine si elle remarquait qu'elle aurait pu être flattée d'une telle attention. Toute son attention était concentrée sur ce membre qu'elle était la première à voir, la première à toucher et à examiner. Elle caressa du bout des doigts la longue chaîne sur presque toute sa longueur, murmurant pour elle-même des commentaires impressionnés.

-Intéressant, étonnant … puissant… Fais-la bouger un peu, demanda-t-elle sans vraiment attendre de réponse en particulier, seulement l'exécution de sa demande. Tu as vraiment le parfait contrôle sur elle ? Montre-moi. Je veux voir ce que tu peux en faire.

Elle releva les yeux vers son visage. Dans son regard brillait une lueur enfantine, comme cette lueur qui brille au fond des yeux d'un enfant qui vient de découvrir qu'il est capable de faire du feu en frottant deux cailloux ensemble.